Le resto indien d'en face. ART. N°7

La force du soleil faiblit, j'avais oublié ce qui sort au crépuscule en Inde, les moustiques !
Un moustique vrombit près de mon oreille, je tue l'insecte avec la paume de ma main. Quand il fera nuit les moustiques vont rappliquer. J'en ai vu des nués aujourd'hui.

Mon estomac se réveille, quel va être le plaisir de faire un bon repas ! En essayant un plat emblématique du pays dans le petit restaurant en face de l'hôtel, recommandé par mes petits indiens. 

La chaleur et la fatigue pesante, je me traîne jusqu'au restaurant. Au rez-de-chaussée, il y a une minuscule cuisine et une modeste salle de restaurant, avec cinq tables et quelques chaises, à l'étage, un Internet Café. Il fait plus frais à l'intérieur. Je m'installe de préférence sous un ventilateur, à l'une des tables en formica rouge toutes trouées, maculées et pleines de tâches. Je repose mes avant-bras nus sur la table, goûtant la sensation de fraîcheur. Le tac-tac du ventilateur tournant lentement au plafond a quelque chose d'apaisant. Des odeurs âcres s'échappent de la cuisine, flottant en direction de la rue. Sur le mur, derrière le caissier, un écriteau spécifie, rédigé à la main des phrases en Indou sauf une écrite en anglais :
"Croyez en Dieu".

Un garçon me présente une feuille plastifiée, écornée, délavée et tachée. Sur ce "menu", des photos décolorées de différents plats spécifiquement indiens, aucune idée du contenu. La cuisine indienne est très souvent végétarienne même si le poulet et le mouton sont aussi servis, seuls les restaurants musulmans de Bombay proposent des morceaux de bœufs. Mes voisins de table sont des locaux d'une quarantaine d'années, chemises usées, pantalons de costume noir, en claquettes. Leurs assiettes débordent de grandes crêpes garnies de légumes et de sauces. Je tends le cou et le menton en direction des crêpes avec un sourire gourmand , le garçon comprend immédiatement ma requête. Pour étancher ma soif, un coca-cola sera parfait.

En peu de temps, le garçon approche, un chiffon mouillé dans une main, le coca et le verre de l'autre. (Instinctivement, j'ai choisi de commander un coca en bouteille, il m'est arrivé en 2009 qu'un garçon m'apporte des verres de jus de fruit, qu'il tenait par le bord, les doigts plongeant dedans. En portant le verre à mes lèvres, à la vue des empreintes de doigts du garçon, j'ai reposé le verre sans le boire).

Je soulève les bras de la table, le temps pour le garçon d'essuyer succinctement ; A présent, il monte une odeur désagréable de suri et de moisi.

Le garçon dépose une bouteille de coca avec un verre mouillé et poisseux. Je bois au goulot de la petite bouteille après l'avoir essuyé dans mon tee-shirt. Ce soda coule dans ma gorge bouillante, des frissons me parcourent tout entière à chaque gorgée.

Mon assiette avec la grande crêpe fourrée arrive. Savourant la première bouchée, me réjouissant même de déguster avec les doigts ce plat typique. La sauce curry servie avec la crêpe soulève une tornade sans précédant dans mes boyaux, le feu me déchire les gencives, la gorge, la poitrine. Le visage cramoisi, j'essuie avec mon mouchoir mon front trempé de sueur.

Pendant cette période de dégustation, des guêpes tournoient au-dessus de ma tête, sans que je n'y prête attention, essayant de calmer le brasier dans mon estomac. Ma main prend le coca et, resserrant les lèvres autour du goulot, une vibration raisonne dans la bouteille.. Une guêpe s'est glissé par le goulot, comment ? je n'ai rien vu. J'appelle le garçon pour lui montrer la bouteille avec la guêpe, il débarrasse mon assiette et mon coca me faisant signe de la main pour me demander si j'en désir un autre ?
"No, thank you !"

Le garçon apporte l'addition, tenant un bout de papier scribouillé. Je comprends que le paiement s'effectue à la caisse, me levant pour m'y rendre et démêler les billets de roupies froissés et humides. Autour de moi sur les tables, les hommes occultent toujours ma présence, pas de touristes ici..