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Voyager seule en Inde - Voyage Inde - Kérala Inde du Sud - Cap Comorin - Train à Bombay - Car Inde - Seule à Bombay - Goa - Les Backwaters du Kérala

ART. N° 48. Bindi et henné.

L’aube nait sous un ciel clair, pas de pluie imminente en vue. Micky m’a proposé de prendre le bus pour Mapusa, une sortie dans le grand marché entre filles comme si nous allions faire du lèche-vitrine dans une cité.

Au moment de partir, le téléphone émet sa petite musique, Micky ne pourra pas m’accompagner. Sur le trottoir, à l’arrêt du bus, où je me trouve seule à attendre, une grosse flaque d’eau s’est formée en raison d’un défoncement. La chaussée mouillée luit à la lumière du matin, miroite et chuinte sous les roues de voitures. Petit à petit, l’arrêt de bus s’encombre de voyageurs. L’autobus ouvre ses portes en accordéon sur les gens se pressant d’occuper les places assises, maintenant toutes occupées. Le conducteur et le contrôleur attendent comme toujours la surcharge du bus avant d’amorcer son lourd départ.

Le grondement tant attendu se fait enfin entendre, le bus se met à frissonner. Le soulagement éclaire le visage des passagers, enfin nous démarrons.

Plein à craquer, l’autobus du matin se traîne péniblement quand, soudain, il bondit, comme pour reprendre de la vitesse. Sa feinte déséquilibre les voyageurs. La grappe humaine qui sur le marchepied, s’accroche aux portières s’étirant dangereusement, bulles de savons menacées d’éclatement.

Un garçon mince, assis non loin, se retrouve catapulté dans les bras de l’homme qui lui fait face. Il se met à rire, et l’homme avec lui, comme pour mieux s’excuser.

Des écoliers s’écrasent le nez contre la vitre maculée avant de descendre devant le portail de l’école.

Des vitres du bus, j’observe l’entrée de l’école, un océan d’uniformes beiges submerge la cour, les enfants et leurs cartables regagnent le rang pour rentrer silencieusement au sein de l’apprentissage de leur vie future.

Des nuages bas, uniformément gris, des arbres verts, des champs verts ! Un paysage rural aménagé par l’homme pour les besoins de ses activités.

Sur ce trajet de bus en banlieue de Mapusa, le bus s’arrête à un stop où montent et descendent des voyageurs. Je regarde au-delà du remblai sourdre d’un égout souterrain un ruisseau de fange noire. Des hommes halent une corde, qui disparaît dans le sol. Bras noirs jusqu’aux coudes, la boue noire dégoulinant de leurs mains et de la corde. Des taudis derrières eux, une fumée épaisse s’élève, provenant des braseros allumés pour la cuisine. Les hommes essayent de déboucher l’égout. Puis un garçon surgit de la terre, accroché à un bout de corde. Enduit de cette fange graisseuse, il se dresse, frissonnant et luisant au soleil, d’une terrible beauté. Ses cheveux, raides de boue, tissent autour de sa tête une couronne de flammes noires. La fumée qui, derrière lui, s’enroule en boucle vers le ciel, parachève ce tableau de l’enfer.

Arrivée à Mapusa, distraite par l’effervescence du marché, mes pas me dirigent vers l’étal de Sonia. Fondue dans la foule bigarrée, je l’aperçois courir vers moi, sari au vent, faisant cliqueter ses gros bracelets.

Heureuse de me voir, elle demande immédiatement pourquoi Steven n’est pas présent, s’il y a quelque chose qui cloche. Comment expliquer mon sentiment. Steven ? Non non…
- Mais tu es amoureuse de lui ? Deux billes sombres traversent mes pupilles, attendant la réponse.

- Oui, bien sûr, pourquoi ?

- La femme s’attache à l’homme comme une liane s’attache à l’arbre et l’enserre » Dit un texte indien, dixit Sonia

-  J’ai quelque chose pour toi, me dit-elle en pointant son majeur.
Elle colle un Bindi décoré de pierreries au centre de mon front, tel un pâle écho de la lumière stellaire. C’est la coutume lorsqu’une femme est éprise ou bientôt mariée, ainsi les hommes comprennent qu’elles ne sont plus libres. Je suis flattée de ce geste de considération telle une amie de toujours.

Les torsades de henné qui ornent ses mains virent au jaune orangé, elle doit surement bientôt les faire repeindre, voyant mon observation, elle suggère ce tatouage temporaire sur mes mains exécuté par une artiste hors pair, sa sœur Dina. Me prenant chaleureusement par le bras elle me dirige vers le petit commerce de sa sœur. Jeune et belle comme une fleur de jasmin, elle se réfugie dans ses gestes de paysanne, accroupie, tire son voile devant ses yeux. Les paysannes, quand elle se retrouve en face d’un inconnu, elles baissent les yeux, tirent leur voile devant la bouche, se détournent et se taisent.

De sa voix de papier émeri, Sonia s’adresse à sa sœur me présentant comme une grande amie. Assise en tailleur, le dos droit, ses jambes, ses pieds cherchent une meilleure assise, elle fait corps avec la terre. Face à elle, je m’installe dans la même position. D’une grande douceur, la jeune femme prend ma main droite et dessine habilement le henné foncé. Pendant ce temps-là, Sonia glisse une feuille de bétel dans sa bouche et la mâche. Son sourire rouge me fait éclater de rire, d’autant plus fort qu’ainsi je libère la tension, ma provision de soucis, de pensées et d’images néfastes.

Le henné.

Au début, le henné en Inde était utilisé comme remède. Cet arbuste était largement utilisé pour guérir les plaies, les brûlures, soulager la douleur et les démangeaisons. Outil indispensable pour de nombreuses maladies de la peau, le henné indien était largement utilisé dans le traitement de la migraine, de la stomatite et des maux de dos. Ses puissantes propriétés désinfectantes sont toujours utilisées dans le traitement des sutures chirurgicales, des coupures et dans le traitement de nombreuses maladies chroniques de la peau pouvant être traitées de manière sévère.

Au fil du temps, il a commencé à être utilisé comme un moyen de peindre. Les tiges supérieures à jeunes feuilles, qui possèdent le plus de propriétés colorantes, ont été utilisées pour la production de colorants tissulaires et de tatouages ​​corporels. Broyées dans une poudre fine, ces feuilles teignent la soie et la laine dans une teinte jaune orangé. Et toute la partie inférieure de la plante servait à la teinture des cheveux.

A l’origine, le tatouage au henné est une tradition ancestrale, réservée aux femmes d’origine Indienne, Maghrébine et Pakistanaise. Cette tradition religieuse consistait à se faire des dessins sur la peau. Il s’agit d’un véritable tatouage éphémère, qui dure quelque temps sur la peau.

Il est réalisé avec de la pâte de henné réduite en poudre. Peu connue en occident, cette poudre est un colorant 100% naturel, issu d’une plante :
la lawasonia inermis. Sa couleur est d’un délicieux brun. Elle est si puissante, que les dessins floraux peuvent rester plusieurs jours sur les mains et les pieds des jeunes femmes tatouées.

Et même si le tatouage a une signification religieuse, il reste un symbole de féminité par excellence et un atout de séduction majeur.

Plus qu’une simple sorte de tatouage, le henné est un véritable art traditionnel, avec des dessins particulièrement complexes et minutieux. Et chacun d’entre eux va avoir une signification particulière.

La « main de Fatima », par exemple, va représenter la protection. Selon la tradition, la femme qui la porte va être protégée et va lutter contre le mauvais œil. A l’inverse, les dessins d’animaux, comme un serpent ou encore le lézard, vont représenter la fécondité, l’harmonie et surtout la sérénité.

Mais la forme la plus répandue du tatouage au henné reste le dessin floral, réalisé sur les mains et les pieds de la femme qui le porte. C’est une tradition faite lors des cérémonies de mariage. Mais vous pouvez aussi voir de beaux tatouages au henné lors des autres évènements religieux, comme lors d’une naissance, d’un baptême ou encore d’une circoncision.

La durée du tatouage au henné est variable, il tient généralement entre deux et trois semaines sur la peau, selon la pâte choisie et les produits ajoutés au moment de sa fabrication. Mais l’intensité du henné s’estompe au fil des jours, en même temps que le renouvellement de l’épiderme.

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